La crise du 737 Max pourrait encore durer longtemps et coûter une somme colossale à l’avionneur américain, selon les projections du cabinet de conseils Archery Strategy Consulting (ASC). Les raisons évoquées par le cabinet sont, entre autres, la pénurie de simulateurs pour la formation des pilotes et une nouvelle faille découverte par l'Agence fédérale américaine de l'aviation (FAA) en fin du mois dernier. Pour rappel, le 737 Max de Boeing est cloué au sol depuis le 13 Mars suite à deux accidents mortels.
Le premier crash, qui s’est produit en octobre 2018, a impliqué le vol 610 de la compagnie aérienne indonésienne Lion Air et le second survenu en mars dernier concernait le vol 302 d'Ethiopian Airlines. Au total, les deux accidents ont occasionné 346 victimes, passagers et membres d’équipages y compris. L’affaire a fait couler beaucoup d’encre depuis le second accident lorsque le régulateur américain a décidé d’interdire les 737 Max de vol jusqu’à ce que les problèmes soient résolus.
Les problèmes en question concernent le dispositif informatique MCAS que Boeing a ajouté à ses 737 Max et qui sert à stabiliser l’appareil. Ce système anti-décrochage est mis en cause dans les deux crashs et depuis lors la société tente de mettre au point une mise à jour mais sans succès pour l’instant. Un article publié à la fin du mois dernier par Bloomberg a rapporté que le logiciel de vol du 737 Max est défectueux, car Boeing a confié le travail de développement à des ingénieurs payés à 9 dollars l’heure.
En effet, selon les anciens ingénieurs de Boeing le logiciel défaillant de l’avion Max a été mis au point à un moment où Boeing congédiait des ingénieurs expérimentés et faisait pression sur les fournisseurs pour qu’ils réduisent leurs coûts. Selon eux, Boeing et ses sous-traitants auraient pris l’habitude de faire appel à des travailleurs temporaires, sous-payés et souvent issus de pays dépourvus de connaissances approfondies en aérospatiale, notamment en Inde, pour exécuter certaines importantes opérations liées au génie logiciel.
A l’occasion du Salon international de l’aéronautique et de l’espace, qui s’est achevé le 23 juin au Bourget, près de Paris, Boeing avait rassuré ses principaux fournisseurs que la certification du 737 Max était en bonne voie et qu’il entrevoyait un retour en vol du MAX début août. Mais selon le cabinet ASC, les choses ne sont pas en train de s’arranger pour Boeing. Son 737 MAX n’est pas près de revoler de sitôt, il pourrait même rester immobilisé jusqu'au printemps 2020.
De récents tests sur simulateur effectués fin juin par la FAA ont montré que les problèmes logiciels du modèle le plus vendu de Boeing sont plus complexes. Une nouvelle anomalie a été découverte dans une carte contrôleur, un matériel informatique qui sert à ajouter des fonctionnalités, avec des effets similaires à ceux qui ont été observés avec la version initiale et défectueuse du MCAS, même si les anomalies ont des origines différentes.
Par ailleurs, selon le cabinet ASC, les autorités et les pilotes trouvent que les mesures correctives annoncées en mai dernier par l’avionneur sur son logiciel anti-décrochage paraissent insuffisantes aux yeux des autorités et des pilotes. Pour l'instant, Boeing propose quelques correctifs limités du MCAS et une formation sur tablette ou ordinateur pour les pilotes. Le cabinet ASC pense que la FAA et les agences de régulation chargées de suivre et de valider les efforts de correction des défauts du 737 Max pourraient demander des « modifications supplémentaires » sur l'appareil comme l'ajout d'une troisième sonde d'incidence, une modification du train d'atterrissage ainsi qu'un programme de formation des pilotes sur simulateur. Selon le cabinet, dans le cas où ces hypothèses étaient validées, l’avion Max ne devrait pas voler avant le printemps 2020.
Une autre raison évoquée par le cabinet ASC et qui ruine les espoirs de Boeing de reprendre service si tôt est la pénurie de simulateurs. En effet, il n’y en aurait que sept de par le monde intégralement dédiés au Max ou qui intègrent les spécifications du nouveau moyen-courrier de Boeing, a rapporté le journal Le Monde. Selon le cabinet, 370 exemplaires de l’appareil ont été livrés à des compagnies aériennes clientes tandis que 170 sont stockés sur des parkings par l’avionneur. Pour la formation des pilotes, en moyenne dix par appareil, ACS précise qu’il faudra, au bas mot « douze semaines pour former les 4 000 pilotes », sur les rares simulateurs de vol en service. Ajouté à ces raisons, le temps de maintenance des avions cloués au sol depuis plus de trois mois.
Cette immobilisation prolongée au sol aura des conséquences certaines sur les finances de l’avionneur. En effet, obligé de garder ces avions au sol pour une très longue durée, Boeing a diminué sa production mensuelle passant de 52 exemplaires de 737 Max à 42 en avril dernier. Selon Business Insider, l'avionneur devrait encore ralentir ses cadences vu l’incertitude quant à la date de reprise de vol de ses 737 Max. En plus de cela, les coûts de maintenance des appareils cloués au sol, les pénalités pour retard de livraison, la mise à jour du système MCAS, les dédommagements versés aux familles et proches des victimes, l'annulation des commandes et les efforts commerciaux ainsi que la formation des pilotes alourdissent le coût de l’immobilisation des avions.
Selon Marc Durance, associé du cabinet ASC, la facture pourrait atteindre voire dépasser les 10 milliards de dollars. Soit environ le coût de développement d'un nouvel appareil, a rapporté Business Insider. Selon Business Insider, cette facture estimée pourrait engloutir les 10 milliards de dollars de bénéfices réalisés par Boeing en 2018.
Trois mois après le début de l’immobilisation des 737 MAX, un analyste de Bloomberg avait estimé à 1,4 milliard de dollars la facture de Boeing pour les vols annulés des compagnies aériennes clientes et le manque à gagner d’exploitation si la flotte de 737 MAX est toujours clouée au sol d’ici fin septembre. L’estimation de l’analyste n’a pas tenu compte du fait que la société fait déjà face aux actions en justice intentées par les familles des victimes des deux accidents. D’autres spécialistes du secteur ont estimé à ce sujet que la crise du 737 MAX va couter des milliards au constructeur américain qui devra mobiliser toutes ses ressources pour résoudre cette affaire.
Toutefois, selon Business Insider, ces malheurs ne devraient pas entraîner l'arrêt complet du programme 737 Max sachant que le constructeur américain affiche un chiffre d'affaires de plus de 100 milliards de dollars. Si Boeing devait s’en sortir, ce n’est forcément pas le cas pour les fournisseurs. Selon ASC, les fournisseurs pourraient perdre entre 15 et 25 % de leur chiffre d'affaires cette année.
Et si Boeing 737 Max avait besoin d’une révision du design, comme l’avait suggéré en mars Gregory Travis, ingénieur logiciel chevronné et pilote expérimenté. Au lieu de procéder à des mises à jour logicielles qui ne régleraient pas le problème et qui prolongeraient indéfiniment le temps d’immobilisation.
Source: Business Insider
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Le Boeing 737 MAX risque de rester cloué au sol pendant un an,
Pour une perte de plus de 10 milliards de dollars pour Boeing
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Le , par Stan Adkens
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