Boeing aurait trop attendu avant de clouer le 737 Max au sol après les deux crashs
L'avionneur américain Boeing est dans la tourmente depuis plus de 5 ans maintenant en raison des deux accidents mortels qui ont mis en lumière de dangereux défauts de conception du 737 MAX. Les accidents mortels concernent les vols Lion Air 610 du 29 octobre 2018 et de l'Ethiopian Airlines 302 du 10 mars 2019. Ils sont survenus peu après le décollage, à moins de cinq mois d'intervalle et ont causé la mort de 346 personnes. Les enquêtes ont révélé une série de dysfonctionnement tant dans la conception de l'avion que dans le processus réglementaire de validation du 737 Max, en particulier du MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System).
Mais bien avant ces révélations, la FAA aurait attendu longuement avant de donner l'ordre d'immobiliser tous les 737 Max au sol en attendant les résultats des enquêtes. En effet, un rapport publié vendredi dernier a révélé que certains ingénieurs de la FAA avaient souligné des similitudes entre les deux accidents mortels du 737 Max et ont demandé au régulateur de clouer l'avion au sol en raison du risque élevé de nouveaux accidents, mais leur recommandation a été ignorée. L'inspecteur général du ministère des Transports des États-Unis a déclaré dans le rapport que les responsables de la FAA voulaient trier les données brutes concernant les deux crashs.
Par conséquent, ils ont décidé de ne pas immobiliser l'avion au sol malgré la pression internationale croissante. Le bureau de l'inspecteur général a déclaré avoir examiné des courriers internes et interrogé des responsables de la FAA. Un ingénieur de la FAA aurait même fait une estimation préliminaire sur la situation. Selon lui, le risque qu'un autre accident du 737 Max se produise était plus de 13 fois supérieur à ce qu'autorisent les directives de la FAA en matière de risques. Un responsable de la FAA a déclaré que "l'analyse suggérait qu'il y avait 25 % de chances qu'un accident se produise dans les 60 jours" si aucune modification n'était apportée aux avions.
« Mais ce document n'a pas été complété et n'a pas fait l'objet d'un examen par la direction en raison de l'absence de données de vol détaillées », note le rapport. Les responsables de la FAA au siège de Washington, D.C., et au bureau de Seattle de l'agence ont choisi de ne pas immobiliser le 737 Max au sol. « Au lieu de cela, ils ont attendu l'arrivée de données plus détaillées », a déclaré l'organisme de surveillance dans le rapport. Le rapport a été initialement signalé par l'Associated Press. Selon le rapport, la FAA a été le dernier grand organisme de réglementation de l'aviation à clouer le Max au sol, notamment trois jours après le deuxième crash.
La FAA a autorisé le 737 Max à voler de nouveau à la fin de l'année 2020, après que Boeing a modifié un système de contrôle de vol qui a dirigé de manière autonome le nez de l'avion vers le bas avant les deux crashs. Il s'agit notamment du logiciel MCAS mentionné plus haut. Il s'agit d'un dispositif matériel et logiciel du Boeing 737 MAX destiné à éviter le décrochage en pilotage manuel, volets rentrés. Quand il détecte que l'incidence de l'avion dépasse une valeur considérée comme dangereuse (en fonction notamment de la vitesse et de l'altitude), il s'active pour compenser l'avion à piquer en déplaçant le plan horizontal réglable de l'empennage.
Le système de contrôle MCAS du 737 Max est à l'origine des deux accidents mortels
Mais le logiciel n'a pas fonctionné comme prévu et a conduit aux deux accidents mortels d'octobre 2018 et de mars 2019. Une enquête du New York Times a révélé que la FAA a manqué de rigueur dans le processus réglementaire de validation du 737 Max, compromettant ainsi la sécurité de l'aéronef. Le rapport de l'enquête souligne que la FAA n’a pas procédé au contrôle du MCAS comme cela aurait pu l’être. L'avionneur a effectué ses propres évaluations du système, qui n’ont pas été soumises à des tests de résistance par le régulateur. Il aurait laissé deux ingénieurs relativement peu expérimentés superviser les premiers travaux de Boeing sur le système.
La FAA a été fortement critiquée pour avoir certifié le 737 Max alors que les responsables de l'agence ne comprenaient pas entièrement le fonctionnement du système. Un autre rapport a révélé que le nouvel avion devrait jouer un rôle essentiel dans les plans de Boeing de concurrencer Airbus. Par conséquent, l'avionneur américain s’est plus soucié de son objectif à lui que de la sécurité des voyageurs. Le MCAS est un composant central dans le 737 Max, mais Boeing l'a fait passer pour une chose insignifiante lors des discussions avec la FAA. Pour cela, le régulateur n'a pas obligé l'entreprise à informer les pilotes de son existence ni sur fonctionnement.
Par ailleurs, Boeing s’était assuré qu’il ne soit pas fait mention du MCAS dans le manuel du pilote. « Ces accidents tragiques ont mis en évidence la conduite frauduleuse et trompeuse des employés de l'un des principaux constructeurs d'avions commerciaux du monde. Les employés de Boeing ont choisi la voie du profit plutôt que celle de la franchise en dissimulant des informations importantes à la FAA concernant l'exploitation de son avion 737 Max et en s'engageant dans un effort pour dissimuler leur tromperie », a déclaré à l'époque le procureur général adjoint par intérim, David P. Burns, de la division criminelle du ministère américain de la Justice (DOJ).
Le Congrès américain a adopté plus tard une loi visant à réformer le processus d'examen des nouveaux aéronefs. Dans le rapport du vendredi, le bureau de l'inspecteur général a déclaré que la prudence de la FAA concernant l'immobilisation au sol du 737 Max correspondait à sa tendance à attendre des données détaillées. L'organisme de surveillance a néanmoins recommandé à la FAA de documenter la manière dont les décisions clés et urgentes en matière de sécurité sont prises et d'apporter des changements dans la manière dont elle analyse les accidents. La FAA a déclaré qu'elle s'engageait à prendre des mesures visant à améliorer la sécurité.
L'agence a ajouté qu'elle avait commencé à mettre à jour ses procédures sur la base des deux accidents du 737 Max. En outre, elle a indiqué qu'elle était d'accord avec les recommandations de l'inspecteur général et qu'elle avait déjà identifié les problèmes décrits dans le rapport. Le 737 Max est autorisé à voler de nouveau dans la plupart des pays depuis 2021.
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