À mesure que les progrès technologiques s'enchainent, les armées du monde entier se modernisent et intègrent les nouvelles trouvailles afin d'améliorer les capacités de leurs soldats sur le champ de bataille. Dans sa quête d'une machine à tuer hautement efficace, le Pentagone envisage de donner vie à un super soldat directement inspiré de Terminator ou de Captain America. Selon de hauts responsables américains, si les États-Unis ne développent pas de telles capacités, ils seront vulnérables à leurs ennemis qui travaillent déjà sur des systèmes similaires sans des préoccupations éthiques. Ils n'ont toutefois pas fourni des preuves étayant ces allégations.
Mercredi, un groupe de militaires et de scientifiques proches de l'armée se sont réunis lors d'une conférence pour discuter de la possibilité de créer un super-soldat. Ils ont discuté des programmes de reproduction, des films Marvel, de Matrix et de diverses technologies sur lesquelles le Pentagone mène des recherches dans le but de créer un véritable super-soldat (doté d'implants cybernétiques) et de questions éthiques épineuses liées aux armes autonomes. L'exposé a eu lieu lors de la conférence Interservice/Industry Training, Simulation and Education Conference (I/ITSEC) une conférence annuelle où les dirigeants militaires viennent discuter du futur.
Lors de l'événement, les entreprises de simulation font la démonstration de leurs nouveaux produits. C'est le genre d'endroit où les cadres et les généraux enfilent des casques de réalité virtuelle et parlent des vertus des simulateurs de réalité virtuelle. On peut y voir des membres du Congrès parler de l'importance des simulations et de la guerre. Par exemple, l'affiche officielle de l'édition 2019 de l'I/ITSEC indique : « Gagner la guerre de la cognition en repoussant les limites de la préparation et de la létalité ». Cette année, certains participants se sont réunis pour discuter des super-soldats lors d'un panel intitulé : « Black Swan-Dawn of the Super Soldier ».
L'I/TSEC a annoncé le panel dans son programme avec une photo des experts à côté d'un "Master Chief posant, le super soldat génétiquement amélioré de la franchise de jeux vidéo Halo. « Nous disposons donc d'un large éventail de panélistes pour couvrir l'ensemble des aspects d'un super-soldat. Lorsque l'on parle de super-soldat, à quoi pense-t-on en général ? Nous pensons à Marvel, n'est-ce pas ? Captain America ou Iron Man », a déclaré en introduction Lauren Reinerman-Jones, analyste à la Defense Acquisition University. Les panélistes ont discuté longuement sur les rouages de ce qui est actuellement possible et de ce qui est sur le point de l'être.
La conversation a également porté sur diverses questions éthiques. Lors de la conversation, la chercheuse J.J. Walcutt a parlé de sang synthétique et du remplacement des lunettes de vision nocturne par des gouttes pour les yeux (deux choses sur lesquelles le Pentagone travaillerait), tandis qu'une diapositive derrière elle montrait un "soldat du futur" dont le corps est "inondé de stimulants antidouleur" et qui a la "capacité de repousser les membres et de guérir rapidement les blessures comme un lézard". À côté, une citation fait référence à Robocop, un film de science-fiction qui met en scène un personnage mi-homme, mi-robot dans un monde dystopique.
« Les soldats améliorés seraient réduits à des hommes bioniques, qui courent vite, n'ont pas besoin de dormir, mangent et boivent très peu, et peuvent se battre tout le temps. Une nouvelle espèce est née : l'Homo robocopus ». Il s'agit d'une citation tirée directement d'un rapport européen de 2019 sur les préoccupations éthiques des superpuissances mondiales qui tentent de créer des super-soldats. Lors de l'événement, un membre du public a demandé s'il était possible d'utiliser la technologie pour prolonger la vie des soldats vétérans qui ont des années d'expérience sur le champ de bataille ou pour améliorer les capacités des vieilles personnes.
La personne a fait référence au livre de science-fiction "Old Man's War" (Le Vieil Homme et la Guerre) de l'écrivain américain John Scalzi. Le livre évoque un avenir où la Terre fait la guerre en offrant aux personnes âgées de nouveaux corps jeunes en échange d'un service militaire. Les panélistes ont déclaré que c'était une excellente idée. Selon Walcutt, cela pourrait donner aux vétérans retraités un but à atteindre et réduire les taux de dépression. Elle a noté : « si nous pouvons utiliser les gens, quelles que soient leurs capacités physiques, ou si nous pouvons améliorer leurs capacités, pourquoi ne pourrions-nous pas augmenter la longévité du service ? ».
Richard McKinley, qui travaille sur la stimulation cérébrale non invasive pour l'armée de l'air américain, a déclaré que la Matrice commençait à devenir réelle. Pensez à la scène emblématique où Neo, interprété par l'acteur Keanu Reeves, a téléchargé instantanément dans son cerveau des années de compétences en kung-fu. Il a noté que son équipe travaille sur une technologie du même type. « Nous travaillons actuellement avec une société appelée Teledyne pour étudier les technologies capables d'écrire dans le cerveau à une très haute résolution. Nous n'en sommes qu'au tout début, et il reste encore beaucoup de développement à faire », a-t-il déclaré.
« Nous n'en sommes qu'au début, et il reste encore beaucoup de développement à faire. Mais c'est quelque chose qui arrivera dans le futur, la possibilité de porter un appareil qui peut écrire des informations directement dans le cerveau de manière non invasive, sans aucune intervention chirurgicale, sans aucune sensation sur la peau », ajoute McKinley. L'un des panélistes, George Matook, un représentant du DEVCOM (U.S. Army Developmental Command) a déclaré que les États-Unis veulent donner vie à de puissants super-soldats, mais qu'il y a d'importantes limites éthiques et juridiques liées la création qu'il faut prendre en compte.
« Quels risques sommes-nous prêts à prendre ? Il y a toutes ces choses merveilleuses que nous pouvons faire. Nous ne voulons pas d'un combat équitable. Nous ne voulons vraiment pas, ce n'est pas une chose honorable. Nous voulons que nos hommes surpassent tous les ennemis possibles, n'est-ce pas ? Alors pourquoi ne leur donnons-nous pas d'améliorations pharmaceutiques ? Pourquoi les faire courir toute la semaine alors qu'on pourrait simplement leur donner des stéroïdes ? Il y a toutes sortes d'autres choses que l'on peut faire si l'on change les normes sociétales et l'éthique. Et les lois, dans certains cas », a déclaré Matook.
Il a insisté sur la nécessité de repousser les limites de l'éthique en laissant entendre que les ennemis des États-Unis pratiquaient l'eugénisme pour créer de meilleurs pilotes. Il n'a toutefois pas fourni des preuves de ce qu'il dit. « Nous pourrions nous retrouver dans une situation où nos soldats, aussi talentueux et entraînés qu'ils soient, seraient confrontés à un combat injuste parce qu'un autre pays serait prêt à dire : "hé, devinez quoi, vous, homme, êtes un bon aviateur. Vous, femme, êtes une bonne aviatrice. Vous allez faire les meilleurs bébés aviateurs que nous ayons jamais vus et je me fiche que vous ne soyez pas mariés », a-t-il déclaré.
Irwin Hudson, un autre représentant du DEVCOM, a fait remarquer que le rapport coût-bénéfice de ces nouvelles technologies n'en valait peut-être pas la peine pour l'individu. Il a souligné que les stéroïdes font payer un lourd tribut à l'utilisateur et qu'il y a des conséquences à l'augmentation des performances des êtres humains. McKinley est d'accord et, fidèle à sa ligne de conduite, vante les avantages des améliorations non invasives : « je pense que la réversibilité est la grande nouveauté, n'est-ce pas ? Les gens ne veulent pas que des changements permanents soient apportés à leur corps avec des technologies qui sont relativement nouvelles ».
Enfin, la question suivante a été posée aux panélistes : si vous apportez ce type de modifications à un individu, que faites-vous à la fin de son service ? Que se passe-t-il ? Ou bien ces personnes sont-elles littéralement la propriété du gouvernement à vie ? « La résiliation », a répondu Hudson, en faisant une plaisanterie sinistre. Selon des rapports parus ces dernières années, voici une partie de la technologie en cours de réalisation pour créer "l'Homo robocopus" :
- micropuces cérébrales : la France développerait des micropuces pour améliorer les fonctions cérébrales des soldats ;
- yeux bioniques : développés à Hong Kong, ils permettent aux utilisateurs d'avoir une vision infrarouge et nocturne ;
- super-audition : le système de protection et de communication tactique des États-Unis comprend des oreillettes intelligentes qui améliorent l'audition des soldats au point de la rendre presque surhumaine ;
- implant de santé : la DARPA, l'organe de recherche du Pentagone, mettrait au point des implants cyborg pour surveiller l'efficacité au combat ;
- membres améliorés : un rapport du DEVCOM de l'armée américaine révèle des projets visant à équiper les soldats américains de membres améliorés pour accroître leur force ;
- jambes exosquelettes : l'armée américaine aurait testé un exosquelette qui peut être fixé aux jambes des soldats et qui peut augmenter leur productivité jusqu'à 27 fois ;
sang synthétique : le respirocyte est un globule rouge théorique qui pourrait aider les soldats à ne pas s'essouffler et à rester sous l'eau pendant des heures ; - immunité contre la douleur : l'initiative "Persistance au combat" (Pain Immunity) de la DARPA permettrait aux soldats de ne plus ressentir la douleur pendant 30 jours.
Selon ces rapports, les superpuissances de la planète, les États-Unis et la Russie, ont déjà leurs propres programmes de recherche dans ce domaine. À titre d'exemple, une étude réalisée pour le compte du ministère américain de la Défense et intitulée "Cyborg Soldier 2050 : Human / Machine Fusion and the Implications for the Future of the DoD" publiée en 2019. Ces technologies, ainsi que toutes les questions éthiques qui les accompagnent (du moins certaines d'entre elles), feront l'objet d'un débat public dans un avenir proche, un avenir qui, pour beaucoup, est considéré comme plus incertain que jamais.
Sources : I/ITSEC 2023 à Orlando (Floride), la DARPA, le rapport européen sur les super-soldats (PDF)
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