Elon Musk, PDG de Tesla, a évoqué publiquement l'Autopilot pour la première il y a environ une dizaine d'années. Et bien que l'Autopilot ait fait l'objet de nombreuses améliorations au fil du temps, il demeure un système de conduite autonome de niveau 2 et est entouré de nombreuses controverses. L'une d'elles concerne notamment le nom "Autopilot". Selon certains régulateurs et experts de l'industrie, ce terme induit les consommateurs en erreur en leur faisant croire que le système permet à leurs véhicules de se conduire tout seul. Et pour ne rien arranger au problème, Tesla a décidé de nommer la version avancée de l'Autopilot : Full Self-Driving (FSD).
En juillet de l'année dernière, le DMV californien a accusé Tesla d'avoir fait de la publicité mensongère pour ses systèmes Autopilot et FSD en affirmant qu'ils permettent de contrôler les véhicules de manière autonome. Selon le DMV, Tesla a trompé ses clients potentiels avec une publicité qui surestimait les capacités de fonctionnement de ses systèmes avancés d'aide à la conduite. Le site Web de Tesla qui fait leur promotion indique que ces systèmes nécessitent une supervision active du conducteur, avec un conducteur pleinement attentif dont les mains sont sur le volant. Et malgré leurs noms, Tesla affirme qu'ils ne rendent pas ses véhicules autonomes.
Le DMV cherche à obtenir des réparations qui pourraient inclure la suspension de la licence de Tesla pour vendre des véhicules en Californie, le plus grand marché de la société aux États-Unis, et l'obligation pour l'entreprise de dédommager les conducteurs. Selon le DMV, "la clause de non-responsabilité de Tesla contredit les étiquettes et les affirmations fausses ou trompeuses d'origine, ce qui est trompeur et ne remédie pas à l'infraction". Mais Tesla conteste ces allégations. Dans un dossier déposé le 5 décembre auprès de l'OAH, publié par l'État vendredi, Tesla a déclaré que le DMV avait enquêté sur son utilisation de la marque Autopilot en 2014 et en 2017.
Tesla se défend en utilisant des arguments étranges, notamment en faisant appel à la Constitution américaine. Les avocats de Tesla n'ont pas directement contesté les allégations spécifiques du DMV selon lesquelles Tesla aurait exagéré les capacités ou l'autonomie de l'Autopilot. Au lieu de cela, ils ont déclaré que "l'affaire du DMV devrait être rejetée parce qu'elle est invalide en vertu du premier amendement de la Constitution des États-Unis et de l'article I, section 2, de la Constitution de la Californie". « Ces lois et règlements, tels qu'ils sont appliqués à Tesla dans cette procédure, sont inconstitutionnels », ont fait valoir les avocats du constructeur automobile.
Les avocats ont poursuivi : « cela restreint de manière inadmissible le discours véridique et non trompeur de Tesla sur ses véhicules et leurs caractéristiques ». Il n'est pas clair si "le discours véridique et non trompeur" fait référence aux capacités de l'Autopilot. Toutefois, outre l'argument du premier amendement, Tesla a également déclaré que le DMV de Californie violait son droit à un procès avec jury, en vertu du 7e amendement de la Constitution des États-Unis et de l'article I, section 16, de la Constitution californienne. Ils couvrent tous deux le droit à un procès avec jury. Selon l'entreprise, l'action en justice devait être portée devant un panel de citoyens.
« Les actions du DMV violent ce droit parce que l'affaire est portée devant un juge administratif et non devant un panel de citoyens », affirment les avocats de Tesla. La société ajoute en outre que le DMV n'a pas le droit de la poursuivre pour publicité mensongère sur les capacités de l'Autopilot parce qu'il savait parfaitement comment l'entreprise l'avait décrit, mais n'a pas agi avant. « Le demandeur savait que Tesla utilisait les noms de marque Autopilot et Full Self-Driving Capability depuis que Tesla a commencé à utiliser ces noms en 2014 et 2016 respectivement », a déclaré Tesla. L'entreprise suggère en effet que les poursuites du DMV arrivent trop tard.
« Avant que le demandeur ne dépose l'accusation initiale en juillet 2022, le demandeur n'avait jamais dit à Tesla d'arrêter d'utiliser ces noms de marque ou indiqué à Tesla que ces noms de marque ou sa publicité posaient problème de quelque manière que ce soit », affirme l'entreprise. Tesla estime que le fait que le DMV n'a pas pris des mesures à l'encontre de l'entreprise après les enquêtes de 2014 et de 2017 signifie que le régulateur avait implicitement approuvé les termes Autopilot et Full Self-Driving. Pour l'instant, le DMV californien n'a pas commenté les déclarations des avocats de Tesla et n'a pas répondu aux demandes de commentaires.
Les arguments des avocats de Tesla ont interloqué de nombreux critiques et certains s'interrogent sur ce que signifie "la liberté d'expression" pour Musk. « Elon pense que la liberté d'expression signifie qu'il peut dire ou faire tout ce qu'il veut et que si quelqu'un le critique ou essaie de réglementer quelque chose, c'est illégal », note un critique. Un autre a écrit : « ce n'est pas nouveau. Dans l'esprit d'Elon, seul lui peut s'exprimer librement. Mais Elon continue de démontrer qu'il n'a absolument aucune idée de ce que signifie "la liberté d'expression". Ses avocats le savent, mais ils sont gracieusement payés pour maquiller les dérives d'un milliardaire mégalomane ».
Un autrement commentaire indique : « la publicité mensongère est peut-être l'exercice de la liberté d'expression, mais le vol est le vol. Il faut l'inculper pour fraude au lieu de se contenter de reformuler ses conneries. En outre, selon moi, la liberté d'expression est un droit individuel, pas un droit d'entreprise. Elon aimerait dire ce qu'il veut. Toutefois, il n'est pas prêt à faire face aux potentielles conséquences négatives de ses propos. C'est totalement scandaleux et honteux de la part d'un homme qui dit avoir acheté Twitter pour en faire le fief de la liberté d'expression ». Sur la toile, de nombreux internautes critiquent les déclarations des avocats de Tesla.
Par ailleurs, Tesla a également déclaré dans son document que la Californie avait choisi de supprimer les termes "self-driving", "automated" et "autopilot" de la déclaration de l'État sur la réglementation des technologies de conduite autonome, ce qui signifie qu'il n'est pas interdit d'utiliser ces termes dans une publicité. La déclaration mentionne toutefois que "l'utilisation de termes qui inciteront probablement une personne raisonnablement prudente à croire qu'un véhicule est autonome constitue une publicité selon laquelle le véhicule est autonome aux fins de la présente section", ce qui ne permet pas de savoir si l'argument de Tesla tiendrait la route.
Tesla demande une audience pour que l'affaire soit rejetée avec préjudice. Entre-temps, plusieurs organismes de réglementation américains ont lancé des enquêtes sur le battage médiatique autour des capacités de l'Autopilot, y compris le département américain de la Justice (DoJ). Le DoJ a assigné Tesla dans cette affaire en octobre, demandant des informations supplémentaires sur les capacités de l'Autopilot. La NHTSA (National Highway Traffic Safety Administration) des États-Unis cherche aussi à savoir si la commercialisation de l'Autopilot a incité les conducteurs à faire trop confiance aux capacités du système, exacerbant ainsi les risques pour la sécurité.
De même, des clients ont intenté un procès à Tesla après avoir déboursé entre 8 000 et 15 000 dollars pour la fonction avancée FSD qui, de l'avis de plusieurs experts indépendants en matière de voitures sans conducteur, ne peut pas se conduire toute seule. La NHTSA enquête également sur les problèmes de sécurité persistants de l'Autopilot. Certaines de ces enquêtes portent sur des accidents mortels dans lesquels l'Autopilot serait impliqué et sur des incidents dans lesquels des véhicules Tesla sont entrés en collision avec des voitures de police et des ambulances stationnées malgré le fait que les gyrophares de ces véhicules d'urgence étaient allumés.
Si le DMV californien obtient gain de cause, sa requête juridique indique que la licence de Tesla pourrait être révoquée dans l'État et que l'entreprise pourrait être tenue de dédommager "les personnes ou les institutions qui ont subi des pertes ou des dommages financiers".
Source : Tesla (PDF)
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