
les accidents peuvent se transformer en courses mortelles contre la montre
Selon le PDG de l'entreprise, les véhicules Tesla incarnent le futur de l’automobile. Mais derrière l’image de modernité et de technologie de pointe se cache une réalité inquiétante. Les systèmes d’ouverture électroniques, conçus pour séduire par leur design, se révèlent parfois incapables de remplir leur fonction la plus basique : permettre aux passagers de sortir du véhicule. Plusieurs drames ont déjà démontré qu’une simple panne de courant peut transformer un accident en course contre la montre, où chaque seconde compte, et où la technologie censée protéger devient une entrave fatale.
Depuis sa création, Tesla s’est positionnée comme la marque qui allait révolutionner le monde automobile. Des écrans tactiles géants, des portes sans poignées apparentes, des mises à jour logicielles régulières… tout concourt à donner une impression de rupture radicale avec le passé. Elon Musk lui-même n’a cessé de vanter la supériorité technologique de ses véhicules, censés être non seulement plus performants, mais aussi plus sûrs que n’importe quelle voiture traditionnelle.
Mais cette promesse se fissure dès qu’on se penche sur les détails. La recherche de l’esthétique et de la différenciation a conduit à des choix techniques qui, dans certaines situations critiques, deviennent de véritables dangers pour les usagers.
Le design contre l’instinct de survie
Les poignées affleurantes et les portes qui s’ouvrent électroniquement sont séduisantes en temps normal. Elles donnent à Tesla cette allure futuriste que tant d’acheteurs recherchent. Mais dans un accident où l’électricité est coupée, le système cesse de fonctionner. Il existe bien un levier mécanique de secours, mais son emplacement discret et sa manipulation peu intuitive en font une solution inadaptée à une situation d’urgence.
Face à la panique, à la fumée ou aux flammes, la réaction instinctive d’un passager est de chercher une poignée visible et simple. Or Tesla a volontairement effacé ce réflexe au nom du design. Cette logique esthétique entre directement en contradiction avec les principes élémentaires de sécurité.
Témoignages et drames évitables
Les cas documentés ne sont pas de simples anecdotes isolées. Plusieurs accidents mortels ont révélé la même tragédie : des passagers coincés dans une Tesla en feu ou submergée, incapables de trouver ou d’actionner à temps le levier de secours. Des proches racontent la scène d’un conducteur tambourinant à sa vitre, sans réussir à sortir, alors que les secours arrivaient trop tard.
En novembre dernier, en Californie, un Tesla Cybertruck a percuté un arbre et un mur avant de prendre feu, tuant trois étudiants coincés à l'intérieur. Le même mois, dans le Wisconsin, un incendie dans une Model S a fait cinq morts, les corps regroupés sur les sièges avant laissant penser à un détective qu'il y avait peut-être eu une lutte pour s'échapper. Au printemps dernier, à Los Angeles, un joueur de basket-ball américain a survécu à un accident de Cybertruck en donnant un coup de pied dans une vitre avant que des passants ne le tirent par les jambes.
Ces récits révèlent une absurdité : un véhicule à plusieurs dizaines de milliers de dollars, bourré de capteurs et d’intelligence artificielle, échoue à garantir l’évidence même — qu’un humain puisse sortir de la voiture quand sa vie est en jeu.
L'accident en Virginie
L'un de ces évènements a été relaté sur plusieurs médias :
Max Walsh a aperçu la colonne de fumée au moment même où une alerte d'urgence s'affichait sur sa montre connectée : incendie de véhicule avec personnes coincées à l'intérieur. Moins d'une minute plus tard, le pompier, qui n'était pas en service, s'est arrêté à un carrefour très fréquenté du nord de la Virginie, où une Tesla Model Y gisait écrasée et en flammes contre un poteau électrique.
Ayant déjà répondu à des incendies de véhicules électriques, Walsh savait à quoi s'attendre : des portes électriques qui peuvent ne plus fonctionner après un accident, des déverrouillages manuels difficiles à trouver et des batteries qui brûlent plus intensément que l'essence. Chaque seconde comptait.
Il a couru vers le SUV. La porte du conducteur ne s'ouvrait pas, mais la vitre était fissurée. Walsh l'a brisée à mains nues et a tendu le bras à l'intérieur, se brûlant au passage. « J'essaie d'ouvrir la porte et je me dis : « Mais bon sang, où est le dispositif de secours ? » » Ne trouvant pas le dispositif de déverrouillage mécanique, lui et un ami ont tiré le conducteur étourdi, Venkateswara Pasumarti, par la fenêtre.
« Qui d'autre se trouve dans la voiture ? » a crié Walsh.
Pasumarti a réussi à prononcer un seul mot : « femme ».
Susmita Maddi était coincée par les airbags sur le siège passager, les flammes pénétraient dans l'habitacle, le système électrique de la voiture était hors service et les portes ne s'ouvraient pas. Les passants ont frappé sur la vitre alors que la fumée s'épaississait. Lorsque les sauveteurs sont arrivés avec des cisailles hydrauliques, Maddi avait inhalé suffisamment de fumée pour causer des dommages irréversibles à ses poumons et souffrait de brûlures au troisième degré au visage.
« C'est la chose la plus horrible qui soit, de voir un être humain brûler », a déclaré Walsh lors d'une récente interview où il revenait sur l'accident de décembre 2023. « Si j'avais pu ouvrir les portes, j'aurais pu les sortir tous les deux avant même l'arrivée des pompiers. »
La Chine envisagerait d'interdire les poignées de portes entièrement dissimulées
Les autorités ont mis du temps à réagir. En Chine, un haut responsable de la réglementation envisagerait d'interdire les poignées de porte entièrement dissimulées. L'Europe a pris des mesures progressives pour améliorer les protocoles de sauvetage et de désincarcération après un accident. Aux États-Unis, peu de mesures ont été prises, bien que la National Highway Traffic Safety Administration ait déclaré qu'elle était au courant de ces incidents, ainsi que des plaintes concernant les portes Tesla qui s'accumulent dans la base de données de l'agence fédérale. Une partie du problème réside dans le fait que les crash-tests sont conçus pour mesurer la capacité de survie en cas d'impact, et non la capacité des occupants à sortir rapidement du véhicule après l'accident.
« Les ingénieurs de Tesla se sont lancés à corps perdu dans l'automatisation et ont négligé ce qui arrive au corps humain après un accident », explique Charles Mauro, fondateur de Mauro Usability Science, un cabinet de conseil new-yorkais spécialisé dans l'ingénierie des facteurs humains. « L'idée de Musk est celle d'un ordinateur sur roues, mais la conception des serrures de porte a été négligée. »
Une responsabilité juridique qui se dessine
Face aux drames, les familles endeuillées ne comptent pas en rester là. Plusieurs procès s’ouvrent, accusant Tesla de négligence grave. Les arguments de la défense, qui insistent sur la présence d’un levier de secours décrit dans le manuel d’utilisation, ne résistent pas à la réalité d’une urgence. Dans un tribunal, il sera difficile pour Tesla de justifier qu’un manuel PDF ou une vidéo explicative sur YouTube suffit à sauver une vie quand chaque seconde compte.
La jurisprudence à venir pourrait faire date, forçant non seulement Tesla mais toute l’industrie à réintégrer la simplicité mécanique dans leurs innovations.
Un cas se dessine actuellement.
En 2019, sur une route de Key Largo en Floride, un Model 3 Tesla circulant en mode Autopilot percute un couple en scooter. Naibel Benavides Leon, 22 ans, perd la vie sur le coup. Son compagnon, Dillon Angulo, survit mais avec de lourdes séquelles. L’affaire aurait pu être un drame de plus dans la liste des accidents liés aux systèmes d’assistance à la conduite. Mais elle a pris une tournure bien différente lorsqu’un jury fédéral de Miami, en août 2025, a jugé Tesla partiellement responsable et condamné l’entreprise à payer 243 millions de dollars : 200 millions de dollars en dommages punitifs et 43 millions de dollars en dommages compensatoires. Ce verdict est historique, non seulement par son montant, mais surtout parce qu’il a révélé une opacité inquiétante dans la gestion des données de crash par Tesla.
Engagé par les plaignants, un hacker spécialisé en électronique automobile a réussi à extraire et décoder une puce du véhicule accidenté. L’opération, réalisée de manière presque anodine (assis à une table d’un Starbucks en Floride) a permis de révéler que les données existaient bel et bien. Mieux encore : elles étaient intactes et exploitables, contredisant directement les affirmations de Tesla. Face à ces preuves, Tesla a fini par reconnaître que les données étaient bien présentes… sur ses serveurs internes. Ce revirement a considérablement affaibli la défense de l’entreprise, qui a été accusée non seulement de manque de transparence, mais aussi de tentative de dissimulation.
Tesla a déclaré qu'elle n'était pas responsable de l'accident et que McGee était entièrement responsable, car la loi et le manuel d'utilisation stipulent que le conducteur doit garder le contrôle, qu'Autopilot soit activé ou non. La société a également déclaré qu'elle n'avait pas intentionnellement supprimé les données clés, mais qu'elle n'avait tout simplement pas pu les trouver.
Joel Smith, l'avocat de Tesla, a déclaré dans une interview que l'entreprise avait fait preuve de « maladresse » dans le traitement des données, mais qu'elle n'avait commis aucune irrégularité à cet égard. « C'est la tempête parfaite la plus ridicule que vous ayez jamais entendue », a déclaré Smith, afin d'expliquer pourquoi Tesla n'avait pas été en mesure de produire les données instantanées de la collision avant que le hacker ne les récupère pour les plaignants.
Elon Musk, entre silence et fuite en avant
Comme à son habitude, Elon Musk ne s’attarde pas sur ces critiques. Ses communications publiques se concentrent sur les promesses de la conduite totalement autonome, sur Mars et sur la robotique humanoïde. Les questions liées à la sécurité des passagers sont reléguées au second plan, voire ignorées. Cette posture entretient la colère des familles et alimente l’image d’une entreprise plus préoccupée par sa valorisation boursière que par la vie de ses clients.
Faut-il réapprendre la valeur du « low-tech » ?
Paradoxalement, ce scandale pourrait raviver un débat plus large sur la valeur du « low-tech ». Certaines fonctions, vitales par nature, ne devraient peut-être jamais dépendre de l’électronique. Ouvrir une porte, détacher une ceinture, baisser une vitre : ce sont des gestes de survie qui doivent rester mécaniques, intuitifs et accessibles.
L’automobile de demain peut intégrer des écrans, des capteurs et de l’IA, mais si elle échoue à offrir cette simplicité, elle trahit son objectif premier : protéger ses occupants.
Conclusion
Les portes Tesla incarnent parfaitement l’illusion de l’innovation : une solution brillante sur le papier, séduisante dans les salons automobiles, mais catastrophique dans la réalité des accidents. En sacrifiant l’évidence mécanique au profit de l’esthétique, Tesla a transformé un détail en menace mortelle. Le scandale des portes est plus qu’un problème technique : c’est le symbole d’une industrie qui oublie que l’innovation n’a de valeur que si elle sert la vie humaine.
Sources : Euro NCAP, Weixin
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