
une situation qui relance le débat sur la monétisation à l'ère de l'internet des objets
Samsung vient d’allumer un incendie médiatique et technologique. Ses réfrigérateurs connectés Family Hub, véritables vitrines de la maison intelligente et vendus parfois plus cher qu’une voiture d’occasion, affichent désormais des publicités imposées suite à une mise à jour logicielle déployée aux États-Unis.
Cette évolution illustre un glissement progressif du modèle économique de l’électroménager connecté : après avoir séduit les consommateurs avec des promesses de confort, d’automatisation et d’intégration dans l’écosystème SmartThings, les fabricants semblent désormais vouloir rentabiliser le matériel par des revenus publicitaires récurrents, au détriment de l’expérience utilisateur.
Lancé en 2016, le Family Hub OS incarnait une vision futuriste du foyer connecté. Derrière son écran tactile XXL, l’appareil permettait de gérer les courses grâce à ses caméras internes (grâce à ses 3 caméras de contrôle, il est possible de visualiser à tout moment le contenu de votre réfrigérateur depuis votre Smartphone. Il vous est possible d'associer une durée de conservation à chaque aliment afin de ne pas oublier les dates de péremption), de consulter des recettes interactives, d’écouter de la musique via Spotify, ou encore de partager le calendrier familial synchronisé avec Google Agenda.
Mais depuis la dernière mise à jour, ces fonctions se voient polluées par l’affichage de bannières promotionnelles. Les utilisateurs rapportent la présence de vignettes publicitaires en page d’accueil, parfois prioritaires sur les widgets essentiels. Un réfrigérateur qui devait être un assistant domestique devient ainsi une vitrine commerciale.
Comment fonctionne l’injection publicitaire ?
D’un point de vue technique, les annonces sont diffusées via le cloud SmartThings et non intégrées directement dans le firmware. Cela signifie que Samsung peut déployer, retirer ou remplacer des publicités de façon dynamique, sans nécessiter une mise à jour du système.
Ce choix technologique a plusieurs implications :
- Impossibilité pour l’utilisateur de désactiver les pubs, sauf à couper la connexion Internet, ce qui prive le frigo de ses fonctions intelligentes.
- Extension de la surface d’attaque : chaque flux de données externe augmente le risque d’exploitation par des pirates. Un service mal configuré pourrait devenir une porte d’entrée dans le réseau domestique.
- Collecte de données implicite : pour cibler ou mesurer l’efficacité des annonces, Samsung pourrait enregistrer la fréquence d’utilisation des menus, voire les habitudes alimentaires déduites des applications liées aux courses.
Quand l’expérience premium se heurte à la monétisation forcée
Ce qui choque le plus les consommateurs, c’est le décalage entre le prix de ces appareils – parfois plus de 3 500 dollars – et le traitement qui leur est réservé. Contrairement à un smartphone subventionné ou à un service en ligne gratuit, un réfrigérateur haut de gamme devrait logiquement garantir une expérience sans publicité.
En imposant ce modèle économique, Samsung brouille la frontière entre produit acheté et service conditionné. L’acheteur devient en partie captif d’un écosystème propriétaire qui peut évoluer au gré des intérêts commerciaux du constructeur.
Samsung parle d'un programme pilote
Dans une déclaration, Samsung a confirmé qu'il « menait un programme pilote visant à proposer des promotions et des publicités sélectionnées sur certains modèles de réfrigérateurs Samsung Family Hub sur le marché américain ».
Samsung propose actuellement neuf réfrigérateurs Family Hub aux États-Unis, dont les prix de vente conseillés varient entre 1 800 et 3 500 dollars. Les réfrigérateurs Family Hub sont équipés d'écrans de 21,5 ou 32 pouces, que les utilisateurs pouvaient jusqu'à présent utiliser librement pour afficher des informations utiles ou ludiques, telles que des photos et des vidéos, des mémos, la météo, des minuteries et un navigateur web. Certaines de ces fonctionnalités nécessitent une connexion Wi-Fi ou un compte Samsung.
Désormais, Samsung réquisitionne certains des écrans déjà installés dans les foyers pour afficher des publicités. Comme l'explique le représentant de Samsung :

La société précise que les publicités peuvent être ignorées et qu'une fois ignorées, elles ne réapparaîtront plus. Un utilisateur note tout de même : « Il semble que les utilisateurs ne puissent pas désactiver complètement les publicités, ce qui est regrettable. Déconnecter le réfrigérateur d'Internet pourrait mettre fin aux publicités, mais vous perdriez alors inévitablement plusieurs fonctionnalités intelligentes pour lesquelles vous avez payé ».
Le format des publicités changera également en fonction des options de personnalisation de l'écran de couverture. Les publicités n'apparaîtront pas lorsque l'écran de couverture affiche des photos ou des œuvres d'art.
D'après le journal des modifications, nous savons que les publicités seront affichées sur l'écran de couverture pour les thèmes Météo, Couleur et Tableau quotidien, tandis que l'écran de couverture pour les thèmes Art et Galerie n'affichera pas de publicités, conformément à la déclaration de la société.
Une dérive généralisée dans l’IdO ?
Ce cas illustre un problème plus large dans le domaine de l’Internet des objets : la propriété effective des appareils. Lorsque l’acheteur paie pour un produit, peut-il encore en disposer librement si son logiciel est modifié unilatéralement par le constructeur ? Dans l’univers professionnel, ces questions ne sont pas anodines. Des équipements comme des frigos connectés sont parfois installés dans des hôtels, des bureaux ou des salles de pause. L’apparition de publicités non maîtrisées pourrait poser des problèmes d’image pour les entreprises clientes.
LG annonce de nouvelles fonctions de ciblage publicitaire pour ses téléviseurs intelligents
Le fabricant d'appareils électroniques LG Electronics a annoncé l'arrivée de nouvelles fonctionnalités liées à la publicité ciblée sur ses téléviseurs intelligents, mais l'annonce a tout de suite suscité un tollé général au sein de la communauté. LG a en effet présenté une nouvelle offre aux annonceurs qui promet d'atteindre ses millions d'appareils connectés dans les foyers, en « bombardant » les téléspectateurs de publicités ciblées. La société voudrait offrir la possibilité aux annonceurs de lier les publicités télévisées aux achats en magasin ou leur permettre d'avoir accès aux données démographiques des téléspectateurs.
Le programme « Guaranteed Outcomes » de LG Ad Solutions, la régie publicitaire de LG, est conçu afin de permettre aux marques et à leurs publicités vidéo natives diffusées sur les téléviseurs connectés LG d'atteindre les objectifs de la campagne sur une série de KPI, notamment la fréquence, les données démographiques et le VCR. Les acheteurs ne paieront que pour les publicités qui sont visionnées à 100 % et pour les mesures de conversion.
Les conséquences pour la cybersécurité et la vie privée
L’intégration de publicités dans un appareil domestique soulève plusieurs enjeux techniques et sociétaux :
- Cybersécurité : chaque flux publicitaire est une interaction réseau supplémentaire. Si le système n’est pas correctement cloisonné, une campagne mal sécurisée pourrait permettre l’injection de code malveillant. Dans un environnement domestique, cela signifie l’exposition potentielle de tout le réseau WiFi familial.
- Vie privée : l’utilisateur ignore quelles données sont collectées pour affiner la publicité. La fréquence d’ouverture du frigo, les applications les plus consultées, voire la géolocalisation du domicile, peuvent être des signaux utiles pour le marketing. Mais ces informations, une fois centralisées, deviennent sensibles et potentiellement revendables à des tiers.
- Maintenance forcée : la dépendance à une connexion constante ouvre la porte à des expérimentations continues de Samsung, transformant les clients en bêta-testeurs involontaires.
Une régulation encore absente
En Europe, la directive sur les biens numériques pourrait offrir un angle juridique pour contester ces pratiques, au motif que la mise à jour modifie substantiellement le produit acheté. Aux États-Unis, les recours sont plus limités, même si des actions collectives pourraient voir le jour au nom de la tromperie commerciale. Pour l’instant, aucune autorité n’a imposé de règles strictes concernant l’affichage de contenus sponsorisés dans les objets connectés. Ce vide réglementaire laisse les fabricants libres de tester jusqu’où ils peuvent aller.
Source : Samsung
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