L’avion 737 Max de Boeing cloué au sol depuis mi-mars risque d’y rester encore longtemps si une nouvelle liste de problèmes du régulateur européen de la sécurité aérienne devait devenir une exigence préalable à son retour dans les airs. L'organisme européen de réglementation de l'aviation a dressé une liste détaillée de cinq exigences majeures auxquelles l’avionneur américain doit répondre avant de permettre la remise en service du 737 Max, a rapporté Bloomberg en citant des personnes au courant de l’affaire. L’AESA a adressé les sujets à la haute direction de Boeing ainsi qu'à son homologue américain, la Federal Aviation Administration, dans une lettre ces derniers jours.
Selon Bloomberg, la liste de préoccupations de l'agence fait suite à son propre examen général et indépendant de l'ensemble du système de commandes de vol des avions 737 qui s'est concentré sur les différences entre la variante Max et l'ancien modèle, a déclaré la personne qui a demandé à ne pas être identifiée, les détails de l’affaire n’étant pas encore publics. L'une des cinq sujets de l’agence n’avait jamais été révélée depuis les deux accidents, celle qui concerne la fonction de pilote automatique de l’avion. En plus, la liste de l'AESA exclut plusieurs autres petites questions que l'agence n'a pas signalées comme critiques, a rapporté Bloomberg.
L’agence américaine n’a pas encore divulgué les détails de ses attentes du Max, ce qui ne permet pas de savoir si les exigences de l'AESA diffèrent considérablement et si elles augmenteraient considérablement le coût et le temps nécessaire pour remettre le Max en vol. Mais une personne anonyme, bien au courant des travaux de la FAA, a confirmé que les questions soulevées par l'agence européenne sont conformes aux questions de son homologue américain, a rapporté Bloomberg. La FAA qui a refusé de commenter les sujets de l'AESA, s’est contenté de déclaré :
« La FAA continue de travailler en étroite collaboration avec d'autres autorités de l'aviation civile dans le cadre de notre examen des documents de certification de Boeing pour le 737 MAX. Ce processus implique des communications régulières entre toutes les parties ».
Boeing n’a pas non plus répondu à la demande de commentaire concernant l'impact potentiel des préoccupations de l'AESA. Dans une déclaration que l’avionneur a publiée, il a dit que les responsables de l'entreprise continuaient « à collaborer avec les organismes de réglementation et à fournir de l'information alors que nous travaillons à la remise en service sécuritaire du MAX ».
Les régulateurs du monde entier ont immobilisé l'avion le plus vendu de Boeing en mars après deux accidents en cinq mois qui ont fait au total 346 morts. Depuis lors, l'AESA a travaillé avec la FAA et d'autres organismes de réglementation à l'examen d'un certain nombre de modifications proposées par Boeing au système de commandes de vol de son 737 Max.
La crise a ébranlé la réputation de Boeing ainsi que celle de la FAA, dont le rôle dans la certification initiale de l'avion a été remis en question. Pour rappel, la FAA a été le dernier régulateur à interdire les vols du 737 Max. La société américaine a travaillé sur un correctif logiciel pour le système anti-décrochage MCAS qui a été impliqué dans les deux accidents, mais d'autres problèmes ont fait surface ces dernières semaines. En effet, à la fin du mois de juin, pendant que les pilotes de la FAA effectuaient des essais sur simulateur reproduisant les conditions réelles en vol, un nouveau risque en matière de sécurité a été découvert sur le 737 Max de Boeing.
Lors de ces tests, la FAA a découvert que le traitement des données par l’ordinateur de bord du 737 Max pouvait causer un décrochage soudain et imprévisible que les pilotes avaient beaucoup de mal à corriger pour reprendre rapidement le contrôle de l’avion. Cette nouvelle défaillance logicielle est, par ailleurs, citée dans la lettre de l'organisme européen de réglementation de l'aviation. L'AESA recommande ce problème soit résolu avant la reprise de vol des avions Max.
C’est par ailleurs l'émergence de ce nouveau problème qui a incité Southwest Airlines, le plus grand exploitant de 737 Max, à repousser la réintroduction de l'avion dans son programme de vols au 1er octobre, soit un mois plus tard que prévu. Boeing a dit qu'il travaillait sur la question.
La liste des autres préoccupations de l'AESA comprend : la difficulté potentielle des pilotes à tourner le volant de compensation manuelle du jet – l'agence veut se rassurer que le pilote moyen a assez de force physique pour faire tourner le volant de compensation. Le manque de fiabilité des capteurs d'angle d'attaque du Max est sur la liste de l'AESA, d’après Bloomberg – un capteur défectueux semble avoir été à l’origine du déclenchement du système MCAS dans les deux crashs. Des procédures de formation inadéquates sont également pointées du doigt. Une préoccupation qui n'avait pas été signalée auparavant a été soulevée par l’agence européenne : le pilote automatique ne s'était pas désenclenché dans certaines situations d'urgence.
John Cox, président de la société de conseil en aviation Safety Operating Systems et ancien pilote du 737 a déclaré que « L'un ou l'autre de ces éléments pourrait avoir une incidence importante sur la remise en service, mais nous ne savons pas s'ils vont devenir des exigences ou s'il s'agit simplement de sujets de discussion ». Il a ajouté que de telles questions entre les organismes de réglementation sont la norme pendant les travaux de certification des aéronefs et qu'elles ne posent peut-être pas de nouveaux risques pour Boeing, a rapporté Bloomberg.
Le règlement des problèmes soulevés par l'AESA pourrait s’avérer difficile et donc prendre du temps
Selon John Cox, si Boeing devait avoir à modifier un système aussi complexe que le pilote automatique du 737, cela pourrait avoir des ramifications majeures. Ce qui ne favoriserait pas une reprise rapide du service de l’avion. Toutefois, il n'est au courant d'aucun problème de sécurité sous-jacent au pilote automatique qui justifierait une telle mesure, ce problème étant cité pour la toute première fois depuis lors.
L'AESA demande aussi la mise à jour du logiciel qui devrait dorénavant permettre la prise en compte des données des deux capteurs pour activer le système d'augmentation des caractéristiques de manœuvre. Mais des gens familiers avec le sujet ont dit à Bloomberg la semaine dernière que le dernier problème logiciel pourrait prendre jusqu'à trois mois pour être résolu.
La maintenance des capteurs d'angle d'attaque (AOA) sur lesquels le MCAS s'appuie pourrait se révéler plus complexe. Bloomberg a rapporté que lors d’une interview le mois dernier, le directeur de l'AESA, Patrick Ky, a déclaré que la mise à niveau de matériel supplémentaire n'était pas exclue, une mesure qui pourrait s'avérer coûteuse et longue pour le fabricant.
Ce qui pourrait prendre également le temps et être couteux si les préoccupations de l'AESA devenaient des exigences est que l’agence ne s'est pas contentée de dire à Boeing comment résoudre les problèmes. Elle demande plutôt à l'entreprise de proposer des solutions qui seront ensuite évaluées, avant qu’elles ne soient appliquées, a rapporté Bloomberg. Par exemple, si Boeing peut prouver l'efficacité d'une nouvelle procédure de formation qui ne comprend pas l'exigence plus lourde de la formation sur simulateur, elle pourrait éviter cette dépense supplémentaire.
Surtout que « l'AESA examine de près l'amélioration de la formation nécessaire [pour les pilotes] ainsi que la hiérarchisation des alertes dans le poste de pilotage », a déclaré la personne qui connaît la situation, ajoutant que l'agence travaillait « en pleine coordination avec la FAA ». Par ailleurs, Daniel Elwell, l'administrateur par intérim de la FAA, a déclaré que l'avion immobilisé au sol ne sera pas remis en service tant que l'agence ne sera pas assurée de sa sécurité et que les pilotes n'auront pas reçu une formation adéquate pour faire face à toute urgence.
Toutefois, le retour en service du 737 MAX dans les meilleurs délais était déjà sérieusement compromis par la demande des pilotes de bénéficier d’une meilleure formation, ce qui implique l’usage de simulateurs de vol quand il n’en existe que quatre dans le monde qui sont capables de reproduire exactement les conditions de vol du 737 Max.
Boeing a néanmoins dit à ses clients et à d'autres membres de l'industrie qu'il s'attendait à ce que l'avion soit remis en service d'ici septembre, en ne prenant qu’en compte la réparation du logiciel impliqué dans les deux accidents ainsi que le dernier défaut identifié avec le microprocesseur, a déclaré une personne familière avec les conseils de l'entreprise. Pourquoi Boeing n’envisage-t-il pas une révision complète de la conception de son 737 Max, vu que les mises à jour et les maintenances matérielles lui coûteront toutefois le temps et beaucoup l’argent.
Source : Bloomberg
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Le , par Stan Adkens
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