
l'entreprise demande à l'administration Trump d'alléger les sanctions
Boeing, le géant américain de l'aéronautique, cherche à annuler l'accord de plaidoyer de culpabilité qu'il avait conclu en juillet 2024 avec le ministère de la Justice des États-Unis. Ce mois-là, Boeing avait accepté de plaider coupable à des accusations de fraude criminelle liée aux tragiques accidents des avions 737 Max causés par le logiciel MCAS. Suite à l'arrivée d'une nouvelle administration, le Wall Street Journal a rapporté que l'entreprise tente désormais de se retirer du processus d'accord et d'obtenir un traitement plus clément de la part de l'administration Trump.
Voici les points clés de la proposition d'accord de juillet :
- Accord de plaidoyer : Boeing a accepté de plaider coupable d’une conspiration de fraude liée aux crashs des 737 Max. En vertu de cet accord, l’entreprise versera une amende de 243,6 millions de dollars et un tiers indépendant supervisera sa conformité pendant trois ans.
- Surveillance accrue : Un moniteur de conformité sera installé chez Boeing pour veiller à ce que l’entreprise respecte les règles établies.
- Investissements dans la sécurité : Boeing devra investir au moins 455 millions de dollars dans des programmes de conformité et de sécurité.
- Rencontre avec les familles des victimes : Le conseil d’administration de Boeing devra rencontrer les familles des victimes des crashs.
« Lorsque les gens commenceront à aller en prison, c'est là que vous verrez un changement »
Les proches des victimes des crashs d'Indonésie et d'Éthiopie ont réclamé un procès pénal qui pourrait mettre en lumière ce que savaient les employés de Boeing pour tromper la FAA. Ils souhaitaient également que le ministère de la justice poursuive les hauts responsables de Boeing, et pas seulement l'entreprise. Pour mémoire, dans le cadre d'un procès, le pénal va servir à sanctionner l'auteur d'un accident par exemple (la prison peut être une sanction), et le civil va permettre d'indemniser une victime.
« Boeing a payé des amendes à de nombreuses reprises, mais cela ne semble rien changer », a déclaré Ike Riffel, de Redding, en Californie, dont les fils Melvin et Bennett sont morts dans l'accident de l'avion d'Ethiopian Airlines. « Lorsque les gens commenceront à aller en prison, c'est là que vous verrez un changement ».
Lors d'une audition au Sénat, le PDG de Boeing, David Calhoun, a défendu le bilan de sécurité de l'entreprise après s'être retourné et s'être excusé auprès des parents des victimes du crash de Max, assis dans les rangées derrière lui, « pour le chagrin que nous avons causé ».
Quelques heures avant l'audition, la sous-commission d'enquête du Sénat a publié un rapport de 204 pages contenant de nouvelles allégations d'un lanceur d'alerte qui a déclaré s'être inquiété de la présence de pièces défectueuses dans les 737. Ce lanceur d'alerte est le dernier d'une série d'employés et d'anciens employés de Boeing qui ont soulevé des problèmes de sécurité au sein de l'entreprise et qui affirment avoir subi des représailles en conséquence.
Proposition d'accord rejetée
En décembre 2024, un juge fédéral du Texas, Reed O'Connor, a rejeté cet accord. Il a exprimé des préoccupations concernant l'influence des politiques de diversité, d'équité et d'inclusion (DEI) dans la sélection d'un moniteur indépendant chargé de superviser la conformité de Boeing. Le juge a estimé que ces considérations risquaient de compromettre la confiance du public dans le processus de sélection, suggérant que le choix du moniteur devrait être basé uniquement sur les compétences professionnelles.
Dans sa décision, le juge indique que le « gouvernement américain surveille Boeing depuis trois ans maintenant » et que, si les autorités américaines ont raison de dire que Boeing a violé un accord antérieur, « il est juste de dire que la tentative du gouvernement d'assurer le respect de l'accord a échoué ».
Le juge Reed O'Connor du tribunal fédéral du district nord du Texas s'est opposé à la procédure de sélection d'un contrôleur indépendant chargé de superviser le programme d'éthique et de lutte contre la fraude de Boeing : « Comme expliqué ci-dessous, l'accord de plaidoyer exige que les parties prennent en compte la race lorsqu'elles recrutent le contrôleur indépendant », a écrit O'Connor. « En outre, l'accord de plaidoyer marginalise la Cour dans la sélection et le contrôle du contrôleur indépendant. Ces dispositions sont inappropriées et vont à l'encontre de l'intérêt public ».
En juillet, les avocats des familles des victimes ont déclaré que l'accord conclu avec le gouvernement fédéral « fait injustement à Boeing des concessions que d'autres accusés pénaux ne recevraient jamais et ne tient pas Boeing pour responsable de la mort de 346 personnes ».
« Les familles des victimes qui s'opposent à l'accord de plaidoyer contestent le processus de sélection du contrôleur et le fait de ne pas exiger, comme condition de sa mise à l'épreuve, que Boeing se conforme aux recommandations anti-fraude du contrôleur », a écrit le juge O'Connor. « Ils soutiennent, en substance, que le gouvernement a surveillé Boeing depuis le début de l'affaire et qu'il n'a pas réussi à s'assurer que Boeing se conformait à ses recommandations. En raison de cet échec, ils soutiennent que le contrôleur devrait être choisi par la Cour et lui faire rapport afin de garantir le respect de la loi ».
Le contrôleur de conformité est censé veiller à ce que « Boeing mette en œuvre un programme destiné à prévenir et à détecter les violations des lois américaines sur la fraude », a écrit O'Connor. Le fait de ne pas retenir les services d'un contrôleur constituerait une violation de la mise à l'épreuve de Boeing, mais O'Connor a précisé que Boeing ne serait pas tenu de se conformer aux recommandations du contrôleur.
« L'accord de plaidoyer interdit d'imposer à Boeing, comme condition de probation, de se conformer aux recommandations anti-fraude du contrôleur. En outre, le contrôleur indépendant est choisi par le gouvernement et lui rend compte, et non par le tribunal », a écrit O'Connor.
O'Connor a également rejeté l'accord au motif que « Boeing aura la possibilité d'empêcher l'embauche de l'un des six candidats contrôleurs choisis par le gouvernement » et que « le gouvernement sélectionnera le contrôleur indépendant “conformément à l'engagement du ministère en faveur de la diversité et de l'inclusion” ».
Les familles des victimes ont salué la décision du juge, la qualifiant de victoire importante. Elles estiment que l'accord initial était trop clément envers Boeing et plaident pour une plus grande responsabilité de la part de l'entreprise.
Boeing cherche désormais l'indulgence de l'administration Trump
Cette décision a prolongé les incertitudes juridiques pour Boeing, qui fait face à des familles de victimes exigeant une responsabilité accrue et à des régulateurs scrutant de près ses pratiques de sécurité. Les parties concernées ont jusqu'au 11 avril 2025 pour informer le juge de leurs intentions futures, ouvrant la voie à une éventuelle renégociation de l'accord ou à la préparation d'un procès.
Boeing cherche désormais à retirer de ce processus d'accord qui accuse l'entreprise d'avoir trompé les régulateurs avant deux crashs mortels de jets 737 MAX, selon des personnes familières avec l'affaire consultées par le Wall Street Journal. Le géant de l'aérospatiale cherche à obtenir un traitement plus clément de la part du ministère de la Justice, qui, sous l'administration Trump, examine de nombreuses affaires pénales en cours qui n'ont pas encore fait l'objet d'un procès ou qui n'ont pas été approuvées par les tribunaux.
Le plaidoyer de culpabilité de Boeing sous l'administration Biden faisait suite à un accord antérieur qui mettait l'entreprise sous probation pendant trois ans. Quelques jours avant l'expiration de la période de probation, un panneau de porte s'est détaché d'un 737 MAX exploité par Alaska Airlines. L'incident a donné lieu à un nouvel examen du processus de fabrication de Boeing et à une nouvelle enquête du ministère de la justice.
Les procureurs ont déclaré que Boeing avait violé les conditions de sa mise à l'épreuve, notamment en ne donnant pas suite à des rapports faisant état de la falsification par des employés de la conformité à certaines inspections requises dans son usine de Caroline du Sud.
Boeing a d'abord contesté les conclusions du ministère. En plaidant coupable, l'entreprise s'exposerait aux conséquences d'un délit d'entreprise. Boeing pourrait avoir besoin, par exemple, de dérogations de la part du ministère de la défense pour éviter d'être suspendu ou exclu en tant qu'entrepreneur de la défense. L'entreprise a récemment battu Lockheed Martin et remporté un contrat pour la construction d'un nouvel avion de combat F-47 pour le Pentagone.
Mais Boeing a finalement accepté de plaider coupable dans le cadre d'un accord conclu sous l'ère Biden, qui l'obligeait à payer une amende supplémentaire de 243 millions de dollars, à dépenser 455 millions de dollars pour améliorer ses programmes de conformité, de qualité et de sécurité, et à embaucher un contrôleur externe de la conformité.
Dans le cadre de ses nouveaux pourparlers avec le ministère de la justice, Boeing n'essaie pas de revenir sur son engagement de dépenser environ 400 millions de dollars pour améliorer la sécurité et la conformité, a déclaré l'une des personnes interrogées au WSJ.
O'Connor a déclaré que le crime commis par Boeing « peut être considéré à juste titre comme le crime d'entreprise le plus meurtrier de l'histoire des États-Unis ». Rien dans sa décision antérieure n'envisageait de déchirer le plaidoyer de culpabilité ou de ne pas engager un contrôleur indépendant. On ne sait pas comment il réagirait à un revirement brutal de Boeing et du ministère de la justice. Le juge a fait une place aux considérations des membres des familles des 346 personnes tuées dans les deux crashs du 737 MAX.
O'Connor a jugé que les membres des familles avaient des droits dans cette affaire en tant que représentants des victimes d'un crime. Les familles ont demandé que la société soit soumise à des sanctions plus sévères, estimant que Boeing devrait admettre avoir causé la mort des passagers de ces vols, qui étaient assurés par Ethiopian Airlines et Lion Air.
« Les entreprises criminelles comme Boeing ne devraient pas être autorisées à échapper à la vérité ou aux conséquences de leurs actes », ont écrit les familles dans un document déposé au tribunal l'été dernier.
Source : WSJ, vidéo dans le texte
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