Le 737 Max est immobilisé depuis mars après deux accidents : l’un en mars dernier avec un avion d'Ethiopian Airlines qui a tué tous ses 157 passagers à bord, l’autre en Indonésie six mois avant faisant 189 morts. Boeing a conduit d’énormes efforts pour résoudre les défaillances du système MCAS mis en cause dans les deux crashs mortels afin de lever l’interdiction de vol survenu en mars dernier. Mais une décision de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) pourrait anéantir les espoirs de Boeing d'une remise en service rapide en Europe du 737 Max, l'avion à réaction le plus vendu du constructeur.
En effet, contrairement à sa pratique habituelle, l'agence de sécurité de l'Union européenne a déclaré qu'elle n'acceptera pas automatiquement le renouvellement de la certification de la FAA pour l'avion de Boeing qui est maintenant dans son sixième mois d’interdiction de vol, selon un rapport de BBC News publié jeudi. Au lieu de cela, l'Agence européenne de la sécurité aérienne effectuera ses propres tests sur le 737 Max. S'exprimant devant la commission des transports et du tourisme du Parlement européen cette semaine, Patrick Ky, directeur exécutif de l'Agence européenne de la sécurité aérienne, a déclaré que l'UE allait effectuer des tests indépendants de l'avion avant de pouvoir reprendre ses vols commerciaux vers et au sein de l'Europe.
En plus des conditions des tests indépendants, M. Ky a dévoilé dans sa présentation trois autres conditions en matière d'agrément de sécurité adressées à la Federal Aviation Administration (FAA) dans une lettre envoyée le 1er avril, a rapporté BBC News. Par cette décision, l'Union européenne montre sa détermination à imprimer sa propre marque sur le processus d’une nouvelle certification de l'avion de ligne du constructeur américain. La position ferme de l'Europe constitue également une rupture significative avec la pratique internationale établie selon laquelle les régulateurs de l’aviation acceptent les normes des autres pays.
Patrick Ky a déclaré devant la commission que « Nous avons décidé de certifier à nouveau les pièces critiques[du 737 Max] que nous n'avions pas examinées auparavant ». « Ce sont des domaines que nous n'avions pas certifiés nous-mêmes parce que nous avions délégué ces tâches à la FAA ».
L'UE et les États-Unis ont toujours négocié le processus de certification des avions commerciaux dans le passé. Dans le cadre d'un accord bilatéral sur la sécurité aérienne, l'Agence européenne a toujours accepté les décisions de la FAA sans procéder à son propre examen. L'accord a permis à de nouveaux appareils, qu'ils soient fabriqués par Boeing, Airbus ou n'importe quel autre constructeur, de commencer à voler dans les deux régions en même temps.
Selon BBC, la présentation de M. Ky a montré que le refus d'accepter une délégation était la première des quatre conditions qui devaient être remplies pour que les vols en Europe puissent reprendre. Pour les trois autres conditions, l’agence européenne demandait un examen indépendant plus large de la conception de l'avion, une compréhension complète de la cause des accidents d'avion 737 Max en Indonésie et en Éthiopie qui ont tué tout le monde à bord et enfin un processus adéquat de formation des équipages de conduite de l’avion encore écroué au sol.
La FAA, elle-même, fait l'objet d'un examen attentif depuis les accidents du 737 Max pour déterminer si les employés de Boeing ont agi au nom de l'agence pendant le processus de certification et si elle a été trop laxiste dans la fixation des normes de formation des pilotes.
Dans un communiqué, un porte-parole de la FAA a déclaré que le régulateur américain entretenait « une relation de transparence et de collaboration avec d'autres autorités de l'aviation civile alors que nous poursuivons notre examen des modifications apportées au logiciel du Boeing 737 Max ». « Notre première priorité est la sécurité, et nous n'avons pas fixé de calendrier pour l'achèvement des travaux. Chaque gouvernement prendra sa propre décision de remettre l'avion en service, sur la base d'une évaluation approfondie de la sécurité », a-t-il ajouté.
Dans les deux accidents, les enquêteurs se sont concentrés sur le rôle joué par un système logiciel appelé MCAS (Manoeuvring Characteristics Augmentation System), qui a été conçu pour rendre l'avion plus facile à piloter. Des rapports d’enquêtes ont révélé que le logiciel – et la défaillance des capteurs – ont contribué à rendre difficile le contrôle de l’avion par les pilotes dans les différents accidents. voici, ci-dessous, comment fonctionne le système MCAS :
Selon BBC News, le travail d'AESA sur le 737 Max avait nécessité « un niveau d'effort sans précédent », avec 20 experts en aviation et deux à trois réunions en ligne par semaine avec les ingénieurs de Boeing. Il était également prévu d'effectuer une semaine complète de vols d'essai avec un avion modifié au centre d'essais de vol de Boeing à Seattle pour se rassurer du bon état des mises à jour sur le 737 Max.
La position tranchée de l’Europe n’est pas sans fondement. En effet, à la fin du mois de juin, pendant que les pilotes de la FAA effectuaient des essais sur simulateur reproduisant les conditions réelles en vol, pour tester un correctif logiciel pour le système anti-décrochage MCAS sur lequel Boeing a travaillé, un nouveau risque en matière de sécurité a été découvert sur le 737 Max de Boeing. Lors de ces tests, la FAA a découvert que le traitement des données par l’ordinateur de bord du 737 Max pouvait causer un décrochage soudain et imprévisible que les pilotes avaient beaucoup de mal à corriger pour reprendre rapidement le contrôle de l’avion.
Cette défaillance figurait sur une liste détaillée de cinq exigences majeures que l'organisme européen de réglementation de l'aviation a adressées à l’avionneur américain comme préalable à la remise en service du 737 Max, a rapporté Bloomberg en juillet dernier en citant des personnes au courant de l’affaire. L’AESA a adressé les sujets à la haute direction de Boeing ainsi qu'à la Federal Aviation Administration dans une lettre. Dans l’une de ses exigences, L’AESA demandait que Boeing travaille davantage sur le pilote automatique qui ne s'était pas débrayé dans certaines situations d'urgence.
Selon BBC News, Boeing a travaillé sur des changements aux systèmes de commandes de vol du 737 Max pour éviter le problème du MCAS. En plus de modifier l'avion, il a proposé des changements à la façon dont les pilotes sont formés. Après ces mises à jour, Boeing espérait obtenir l'autorisation de sécurité de la FAA le mois prochain, les compagnies aériennes étant libres de piloter l'avion plus tard dans l'année, a rapporté BBC News en citant des rapports aux États-Unis.
Si les deux régulateurs ne s'entendent pas pour lever l’interdiction de vol du 737 Max d’un commun accord, le retour de l'avion de ligne pourrait être chaotique. Des opérateurs américains comme Southwest et United pourraient piloter l'avion à l'intérieur du pays avec l’approbation de la FAA, mais les opérateurs européens, comme Norwegian Air, auraient besoin de l'autorisation de l’AESA avant de le remettre en service commercial.
Sources : BBC News
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Le , par Stan Adkens
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