Après les vols d'essai effectués en septembre, l' EASA est en train de procéder à l'examen des documents finaux en prévision d'un projet de directive sur la navigabilité qu'elle devrait publier le mois prochain, a déclaré Patrick Ky, directeur exécutif de l'Agence européenne de la sécurité aérienne, d’après Bloomberg. Cela sera suivi de quatre semaines de commentaires publics, a-t-il dit. Pendant ce temps, le développement d'un capteur dit synthétique exigé sur le 737 Max pour ajouter de la redondance pourrait prendre de 20 à 24 mois. Selon Ky, la solution logicielle sera nécessaire sur la variante Max 10, plus grande, avant son lancement prévu pour 2022, et sera adaptée sur d'autres versions.
Patrick Ky, directeur exécutif de l'EASA
« Notre analyse montre que cette solution est sûre, et le niveau de sécurité atteint est suffisamment élevé pour nous », a déclaré Ky lors d'une interview. « Ce dont nous avons discuté avec Boeing est le fait qu'avec le troisième capteur, nous pourrions atteindre des niveaux de sécurité encore plus élevés », a-t-il ajouté, selon Bloomberg.
Les points de vue de l'EASA ont un poids énorme compte tenu des lacunes du processus de certification initial qui ont entaché la réputation de l'organisme de réglementation américain, la FAA. Ky a déclaré que le capteur synthétique simplifierait le travail des pilotes lorsqu'un ou les deux capteurs mécaniques d'angle d'attaque du Max tombent en panne. Le dispositif logiciel MCAS, qui surveille si le nez du Max est pointé vers le haut, a mal fonctionné dans les deux accidents qui ont tué 346 personnes. Le premier crash s’est produit au large des côtes indonésiennes en octobre 2018 et le second, cinq mois plus tard, en Éthiopie.
« Nous pensons que c'est un bon développement qui va augmenter le niveau de sécurité », a déclaré Ky. « Il n'est pas disponible maintenant et il le sera en même temps que le Max 10 devrait être certifié ».
Ces commentaires marquent la plus ferme adhésion d'un important régulateur à l'objectif de Boeing de remettre en service son avion le plus vendu d'ici la fin de l'année, après de nombreux retards et revers. Le Max, la dernière version du vénérable 737 à fuselage étroit, a été immobilisé au sol en mars 2019 à la suite des deux accidents, qui ont déclenché une crise qui a coûté à Boeing des milliards de dollars et à son PDG de l'époque, Dennis Muilenburg, son poste.
Alors que l'Administration fédérale de l'aviation, principal organisme de certification de Boeing, est plus avancée dans son examen, elle s'est abstenue de faire des prévisions sur le calendrier. Le chef de la FAA, Steve Dickson, a piloté le Max à la fin du mois dernier et a déclaré que les commandes de l'avion étaient « très confortables », mais que le processus de révision n'était pas terminé.
Selon Bloomberg, bien que Patrick Ky soit favorable à un retour du Max cette année, la FAA doit agir avant que l'EASA et d'autres agences dans le monde puissent lever l'immobilisation au sol, en vertu du droit international. Boeing n'a pas soumis son dossier final de documentation comprenant les audits logiciels et les évaluations de sécurité, a déclaré une personne connaissant bien le processus et qui s’est adressée à Bloomberg sous couvert de l’anonymat. Les soumissions sont attendues prochainement.
De l’espoir pour le secteur suite aux commentaires du régulateur européen
Selon Bloomberg, Boeing a grimpé de 3,1 % à 169,35 dollars vendredi à 12h17 à New York. Jusqu'à jeudi, les actions avaient perdu la moitié de leur valeur cette année, enregistrant la plus forte baisse sur l'indice Dow Jones des valeurs industrielles, alors que l’avionneur travaillait à remettre son avion en vole. Les principaux fournisseurs ont également progressé, le fabricant de moteurs General Electric ayant fait un bond de 6,1 % à 7,29 $, soit la plus forte hausse de l'indice S&P 500. Spirit AeroSystems Holdings, qui fabrique des fuselages, a augmenté de 4 % à 19,41 $.
Les commentaires de l’EASA arrivent alors qu’une période de plus d’un mois de commentaires sur une liste de correctifs au 737 Max proposé par la FAA a pris fin en septembre. Alors que le syndicat des pilots britanniques BALPA a dénoncé les limites des modifications proposées par l’Agence américaine, le Joint European Max Operators' Group (JEMOG), un groupe d’opérateurs européens qui comprend les compagnies comme Ryanair, Norwegian et Tui Group, a fait quelques suggestions mineures de modifications textuelles tout en rassurant la FAA qu'elles « n'ont pas d'impact sur le programme RTS [retour en service] prévu » pour le 737 Max.
Même le syndicat représentant les ingénieurs de la FAA, qui supervise la nouvelle conception du 737 Max cloué au sol, a affirmé dans leurs commentaires que les solutions proposées par le gouvernement pour réparer l'avion ne vont pas assez loin. Le syndicat a proposé que les réglementations les plus récentes doivent s'appliquer au Max.
Les crashs de Max ont mis à rude épreuve les relations entre la FAA et les autorités mondiales de l'aviation, y compris l' EASA qui a agi plus rapidement pour mettre le jet au banc d'essais et a fait des demandes qui vont au-delà des exigences américaines pour autoriser son retour. La relation de la FAA avec Boeing a également changé, après que le fabricant de l'avion ait été accusé de cacher des changements qui ont amplifié les différences entre le modèle Max et les modèles 737 précédents afin de réduire les coûts et de minimiser les besoins en formation.
Selon Bloomberg, un autre point inconnu pour le retour de Max à l’échelle mondiale est la Chine, où la demande d'avions a explosé avant la pandémie du coronavirus. La Chine a participé à certains des examens du Max mais n'a pas été impliquée dans les essais en vol qui incluent les régulateurs du Canada et du Brésil ainsi que la FAA et l'EASA, a déclaré Ky. « Je ne sais vraiment pas où ils en sont » avec leur évaluation, a-t-il dit. Un porte-parole de l'Administration de l'aviation civile de Chine n'a pas répondu à une demande de commentaires de Bloomberg.
Quant à l’autorité de l'aviation civile éthiopienne, elle effectuera ses propres contrôles de sécurité sur la flotte Max de l'Ethiopian Airlines, dont l'avion a subi le second crash fatal, a déclaré à Bloomberg vendredi par téléphone Amdye Ayalew Fanta, l'enquêteur en chef du gouvernement. L’Éthiopie chercherait à compléter son précédent rapport sur l'accident mortel qui a tué les 157 personnes à bord de l'avion l’année dernière.
L’EASA va s’assurer du bon équilibre entre la technologie moderne et les anciennes plateformes
Alors que l’avion 737 Max de Boeing s’apprête à regagner le ciel, l'EASA travaille avec d'autres régulateurs pour appliquer les leçons apprises aux futures certifications, selon Bloomberg. L'un des domaines sur lesquels se porte le travail des régulateurs est l'évaluation de modèles dérivés comme le Max qui permet d’apporter la technologie moderne sur des plateformes plus anciennes. Le défi consiste à trouver le bon équilibre et à s'assurer que les pilotes ont les connaissances nécessaires pour piloter les avions en toute sécurité, a déclaré le directeur exécutif de l’EASA.
L'un des dérivés à venir est le Boeing 777X, la prochaine version de son gros-porteur de 25 ans qui aura des ailes repliables. Comme beaucoup d'avions Boeing, il est équipé de deux capteurs d'angle d'attaque (les avions Airbus en ont trois ou plus). Bien que le 777X ne dispose pas du système logiciel qui a joué un rôle dans les crashs du Max, Ky a déclaré que l'EASA étudiera de près les systèmes de contrôle de vol du nouveau 777 et analysera tout point de défaillance potentiel dans le cadre de son examen.
Quant à savoir si cela ralentirait le processus d'approbation européen pour le nouveau gros-porteur : « Cela dépend beaucoup de la capacité de Boeing à nous donner les bonnes solutions et la bonne analyse sur l'évaluation des risques » a-t-il déclaré. « Il peut y avoir d'autres problèmes ; nous examinons vraiment ce nouvel avion et nous nous assurons que notre évaluation de la sécurité et celle de Boeing sont faites correctement et ne laissent aucune question sans réponse ».
D’autres commentaires de Ky ont porté sur le travail de l’Agence européenne de l’aviation dans le domaine des technologies, logiciels et systèmes de propulsion du futur. Selon ky, certains logiciels d'aviation sont développés en utilisant des normes de sécurité datant des années 1980. Les entreprises non aéronautiques qui travaillent sur le pilotage autonome, par exemple, peuvent avoir une approche « qui construit en fait des logiciels plus robustes que ceux que nous certifions » en utilisant le processus existant, a-t-il déclaré. L'EASA est en train d’investir, dit-il, pour renforcer les compétences des régulateurs dans l'évaluation de technologies telles que l'intelligence artificielle et l'apprentissage machine.
Source : Bloomberg
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