Dans des commentaires soumis le 16 septembre dernier, la British Airline Pilots' Association (BALPA) a déclaré aux régulateurs américains de l'aviation que le Boeing 737 Max avait besoin de meilleurs correctifs pour son tristement célèbre logiciel MCAS, avertissant qu'un accident d'avion qui a fait 149 morts en Éthiopie pourrait se reproduire. En revanche, dans ses commentaires, un groupe de compagnies aériennes européennes est globalement satisfait des modifications proposées pour le Boeing 737 Max, même si les syndicats déplorent que l'administration fédérale de l'aviation américaine (FAA) devrait en faire plus.
La FAA a soumis en août dernier des propositions de modifications du jet 737 Max de Boeing aux commentaires du public. La période de soumission des commentaires a pris fin lundi et le système anti-décrochage est toujours mis en cause malgré les nombreux changements qui seront ensuite exigés à l’avionneur américain. Dans ses commentaires publics soumis à l'avis de proposition de réglementation (NPRM) de la FAA, la BALPA a averti que l'une des solutions proposées pour remédier à une future défaillance du MCAS pourrait conduire à une répétition du crash du vol ET302 d'Ethiopian Airlines.
Le MCAS - Manoeuvring Characteristics Augmentation System - est un système logiciel destiné à contrecarrer l'effet de la suspension de moteurs plus gros et plus puissants dans le fuselage du Boeing 737. Les nouveaux moteurs ont donné à l'avion de ligne des caractéristiques de vol différentes des modèles précédents. Boeing s'appuyant sur le fait que les régulateurs certifient le 737 Max comme une avancée progressive plutôt que comme une conception entièrement nouvelle, le MCAS était nécessaire pour obtenir la certification de la FAA sans que les régulateurs imposent des exigences de formation coûteuses sur le nouvel avion avant que les pilotes puissent le piloter.
Le NPRM de l’agence fédérale de l’aviation propose diverses corrections à la conception du 737 Max, à son logiciel et aux procédures que les pilotes doivent suivre en cas de problème. L'une de ces procédures consiste à désactiver le système de compensation automatique de l'avion de ligne, actionné par le MCAS lorsque le logiciel se met en marche, et à demander aux deux pilotes d'utiliser un volant de compensation manuel de secours au lieu des puissants moteurs électriques de l'avion.
Cependant, la BALPA met cause cette procédure d’urgence. Le syndicat professionnel britannique a déclaré dans ses commentaires : « Exiger que les deux membres d'équipage tournent le volant de compensation simultanément dans un scénario non normal est extrêmement indésirable et va à l'encontre de toutes les philosophies consistant à faire voler l’avion par un pilote et à faire exécuter par un autre le QRH [manuel de référence rapide : lecture de la liste de contrôle d'urgence]. Aucun système de commande de vol ne devrait exiger que les deux pilotes l'utilisent à quelque moment que ce soit, et encore moins en cas d'urgence ».
Le syndicat a ajouté : « On estime que cela devrait être reconsidéré (en particulier à la lumière du volant de compensation de plus petit diamètre telle qu'elle est montée sur le Max pour permettre aux nouveaux écrans plus grands de s'adapter, et selon le scénario observé dans l'accident d'Ethiopian Airlines).
L’avion d'Ethiopian Airlines s'est écrasé après que ses pilotes, qui connaissaient parfaitement le système MCAS après l'écrasement précédent du vol 610 de Lion Air (le premier crash du 737 Max), aient essayé sans succès de passer outre le système logiciel défectueux. Le MCAS fonctionne en ajustant automatiquement le nez du 737 Max vers le bas s'il détecte que l'avion est sur le point de décrocher, une condition dangereuse qui se produit normalement lorsque le nez est trop haut et la vitesse trop basse. Dans le cas de l'ET302, cette activation du MCAS était cependant fausse, selon les enquêteurs sur le crash de l’avion.
D’après les enquêteurs, les pilotes ont désactivé les moteurs électriques de compensation qui avaient été activés par le MCAS et ont essayé d'utiliser le volant de compensation manuel dans le cockpit pour annuler physiquement le processus lancé par le logiciel - en suivant les procédures de Boeing publiées après le crash de Lion Air. Mais à cause de la vitesse excessive de l'avion, accumulée lorsque le MCAS a forcé son nez à pointer vers le sol, les pilotes n'ont pas réussi. Les forces aérodynamiques sur les gouvernes ont rendu impossible la rotation du volant de compensation et le retour du nez de l'avion en position normale.
Toutefois des compagnies aériennes en Europe qui utilisent le 737 Max sont largement satisfaites des propositions de modification
Le syndicat britannique n’est pas le seul à dénoncer les limites des modifications proposées par l’agence américaine. Lundi dernier, la National Air Traffic Controllers Association (NATCA), qui représente les ingénieurs de la FAA qui examinent et approuvent la certification de l'avion, a déclaré dans ses commentaires que le Max devrait devoir adhérer à des normes plus strictes sur les alertes dans le cockpit. Comme l'avion a été adapté à partir de versions antérieures, certaines parties de sa conception n'ont pas dû répondre aux dernières exigences de sécurité. Le syndicat a déclaré que les réglementations les plus récentes devraient s'appliquer.
Malgré les changements proposés pour l'avion, la NATCA a trouvé que l’avion serait toujours sujet à des avertissements erronés provenant d'un seul capteur. « Cette conception n'est pas conforme » aux règlements de la FAA et pourrait entraîner une confusion chez les pilotes, a-t-il dit.
Curtis Ewbank, un dénonciateur de Boeing, a déclaré dans des commentaires qu'une proposition visant à rendre obligatoire la réparation de l'avion n'avait pas pris en compte les multiples dangers identifiés dans les deux accidents mortels de Max et les incidents antérieurs. Selon Ewbank, la FAA et Boeing devraient faire plus pour interdire les lectures erronées du capteur impliqué dans les deux crashs et améliorer les systèmes d'alerte de l'avion. De plus, l'agence devrait faire un examen plus large de la façon dont les pilotes réagissent aux situations d'urgence et procéder à une refonte plus approfondie du système de contrôle du vol, a-t-il dit.
Pendant ce temps le Joint European Max Operators' Group (JEMOG), un groupe d’opérateurs européens qui comprend Ryanair, Norwegian et Tui Group, entre autres compagnies aériennes, a fait quelques suggestions mineures de modifications textuelles tout en rassurant la FAA qu'elles « n'ont pas d'impact sur le programme RTS [retour en service] prévu » pour le 737 Max. Certaines compagnies aériennes pensent que tout ira bien lorsque leurs Max seront à nouveau autorisés à voler.
« Le JEMOG reconnaît le travail complet qui a été entrepris par toutes les parties pour assurer le succès du RTS du 737 MAX et qui servira à améliorer le bilan de sécurité de l'industrie dans les années à venir », a ajouté le groupe après avoir faire des recommandations en deux points basés essentiellement sur la séquence révisée de la liste de contrôle QRH.
Dans ses recommandations, la BALPA a plutôt demandé, entre autres, que les autorités de régulation de l'aviation exigent que les déficiences fondamentales de qualité de vol ou de pilotage des aéronefs soient conçues de manière aérodynamique et ne soient pas masquées par le renforcement du système de commandes de vol. Le syndicat exige également que les modifications substantielles apportées à la conception des aéronefs aboutissent à la certification d'un nouveau type avec un niveau de formation correspondant à celui requis pour les pilotes.
Source : Commentaires de la BALPA
Et vous ?
Que pensez-vous des commentaires de la BALPA ?
Pensez-vous que le 737 Max sera remis en service cette année ?
Voir aussi :
Les correctifs proposés par la FAA ne sont pas suffisants pour le 737 Max, cloué au sol à cause des problèmes logiciels, d'après un dénonciateur de Boeing
Le correctif logiciel de Boeing pour le problème du 737 MAX submerge l'ordinateur de bord de l'avion, selon les pilotes de la FAA
Le cauchemar du 737 MAX ne cesse de s'aggraver, un rapport accablant des enquêteurs de la Chambre US montre la pire défaillance de sécurité dans l'avion cloué au sol à cause des problèmes logiciels
Boeing a caché les défauts de conception des jets 737 Max aux pilotes et aux régulateurs, notamment la dissimulation de l'existence même du logiciel MCAS, d'après un rapport du Congrès
La proposition de correction américaine pour les problèmes du Boeing 737 Max ne tient pas compte du scénario de crash d'Ethiopian Airlines,
Met en garde le syndicat des pilotes britanniques
La proposition de correction américaine pour les problèmes du Boeing 737 Max ne tient pas compte du scénario de crash d'Ethiopian Airlines,
Met en garde le syndicat des pilotes britanniques
Le , par Stan Adkens
Une erreur dans cette actualité ? Signalez-nous-la !